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Biographie de V. Duruy

Il est né le 10 septembre 1811 à la manufacture des Gobelins (PARIS), dans un milieu de travailleurs manuels, des artisans à solide tradition culturelle. Son père était technicien avant de devenir chef d’atelier en 1823. Il entre à l’école à l’âge de 11 ans, et en 1824 il devient boursier au Collège Sainte-Barbe. En l’absence de dons intellectuels exceptionnels, il manifeste des qualités de ténacité et de profondeur. Il obtient son baccalauréat le 27 juillet 1830. Saisi par la fièvre des « Trois Glorieuses », il hésite un instant à s’engager dans les troupes d’Afrique, mais il choisit l’Université puisqu’il passe avec succès le concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure en Août l830. Il a alors pour maître, MICHELET qui décèle rapidement ses qualités d’historien, confirmées par sa première place à l’Agrégation d’Histoire et Géographie, le 20 septembre 1833.

De 1834 à 1860, il mène alors une carrière d’enseignant et d’historien honorable mais discrète. Après un séjour d’un trimestre au Collège de Reims, il accède, dès le 31 Décembre 1833, au prestigieux Collège Henri IV, puis en 1845 au Lycée Saint-Louis et revient à « Henri IV » (devenu Lycée Napoléon) en 1855. Mais il connaît des déceptions professionnelles, briguant sans succès le Rectorat d’Alger en 1847 et une chaire de maître de conférences à l’Ecole Normale en 1849. Il oublie cet avancement lent par un labeur acharné dans ses travaux d’historien. Après avoir participé de manière anonyme à plusieurs ouvrages élémentaires, à partir de 1838 il commence par collaborer à une collection de cahiers de géographie historique universelle, accompagnés d’atlas (1838-1843) et au Précis d’Histoire du Moyen-Age , puis il s’attaque à la grande oeuvre de sa vie, son Histoire des Romains, dont les deux premiers volumes parus en 1843 et 1844 lui valent une solide estime. Il publie aussi des manuels scolaires et jusqu’à son entrée au ministère d’autres ouvrages d’érudition (“Histoire Sainte d’après la Bible ” en 1845, “Histoire Universelle” qu’il dirige avec une trentaine de collaborateurs à partir de 1848…)

En 1859, Napoléon III, après avoir lu ses ouvrages, lui demande conseil pour sa “Vie de César.” Cette “rencontre de César” est décisive pour la carrière publique de Duruy. Au début de 1861, à la demande de l’Empereur, il est nommé Inspecteur de l’Académie de Paris et maître de conférences à l’Ecole Normale le 12 février 1862, il obtient le poste d’Inspecteur Général de l’Enseignement Secondaire de Lettres et la chaire d’Histoire qui vient d’être fondée à Polytechnique. C’est en tournée d’inspection à Moulins qu’il prend connaissance du décret impérial du 23 juin 1863 qui le nomme ministre de l’Instruction Publique.

Son arrivée dans la vie politique correspond à la libéralisation de l’Empire. Esprit positiviste, élevé par son père dans la “légende napoléonienne” et l’anticléricalisme, Duruy adhère à la “démocratie” paternaliste de l’Empire libéral, dans laquelle il voit l’occasion de réaliser son programme éducatif, tâche qu’il considère comme un véritable sacerdoce. Depuis la loi Falloux (mars 1850), l’Eglise avait obtenu la liberté de l’enseignement secondaire et les écoles privées des congrégations se trouvaient ainsi favorisées. Duruy, animé par un sens du service public remarquable, entreprend alors une série de réformes importantes.

Fils du peuple, ému par le grand nombre d’illettrés, il fonde des milliers d’écoles primaires, notamment pour les filles, alors que la loi GUIZOT de 1833 ne s’appliquait qu’à l’enseignement des garçons. Il pense à un enseignement gratuit et obligatoire. Il relève également le traitement des instituteurs.

Dans l’enseignement secondaire, il rétablit les cours de philosophie supprimés en 1852 et introduit l’étude de l’histoire contemporaine. Il supprime la bifurcation (spécialisation des élèves jusqu’alors prématurée dès la quatrième, soit dans une section des Lettres, soit dans une section des Sciences) mais il réalise néanmoins une réforme du même genre en créant en 1865 un enseignement spécial, sans langues anciennes, réservé aux élèves se destinant aux carrières industrielles et commerciales. Puis, pour enlever à l’Eglise le monopole de l’enseignement secondaire des jeunes filles de la bourgeoisie, Duruy organise pour elles un enseignement secondaire d’Etat.

Dans l’enseignement supérieur, il fonde des laboratoires et crée à Paris l’Ecole des Hautes Etudes. Enfin, il inaugure l’enseignement destiné au public, sous forme de cours pour adultes et de conférences dans les Facultés.

Les conservateurs, surtout les catholiques (en particulier Monseigneur Dupanloup) protestent contre sa politique, notamment le projet de gratuité et l’enseignement des jeunes filles qui risquaient d’enlever à l’Eglise un moyen d’influence auquel elle tenait fort. Soucieux de conserver le soutien des milieux catholiques, l’Empereur renvoie Duruy en Juillet 1869.

Après avoir ainsi achevé sa carrière politique nationale, Duruy, devenu conseiller général du canton de Mont-de-Marsan en Août 1867 et Président de l’Assemblée départementale en 1869, cesse ses fonctions landaises en l871 après la chute de l’Empire. Après sa retraite, il se consacre uniquement aux études historiques et meurt à Paris en 1894.


Jean-Michel DUJAS,

Ancien professeur d’Histoire-Géographie du lycée